Paroles singulières en Méditerranée

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PAROLES SINGULIÈRES EN MEDITERRANEE

15 octobre 2022 - Beranrd GUITER - "La tragédie de Gérard de Nerval"

1GERARD DE NERVAL

Je pense que Gérard de Nerval domestiquait un état maniaque -dépressif par une écriture conventionnelle et ce sur la forme tandis que sur le fond son ésotérisme et une culture sophistiquée font l’émergence d’une musique poétique bien éloignée de cet art tel que le définissait Verlaine : <De la musique avant toute chose>>.
Mais pour étudier ceci faisons quelques haltes d’abord sur sa biographie puis sur les signifiants qui le forgèrent .
Il faut toutefois souligner la complexité de cette entreprise car l’auteur est un homme qui brouille toutes les données biographiques le concernant, sa correspondance est maigre, il change de lieu en permanence :<<il se pose plus qu’il ne loge>>.
C’est par ailleurs un homme qui adopte un ésotérisme né de ses prétentions à être un initié de sociétés secrètes(maçonniques entre autres) ).

Enfin ses écrits romanesques sont certes utiles à la clinique en tant que récits délirants mais ne renseignent en rien sur ce qu’il fut.
Nôtre point de vue est que contrairement à Sainte- Beuve : <<Tel arbre ,tels fruits>> l’œuvre et l’auteur ne doivent se confondre.
Démarche freudienne quand ce dernier affirme<<La folie peinte dans une fiction autorise les mêmes procédures de diagnostic et d’interprétation qu’une pathologie dans la réalité>>.
Freud finira par avouer en parlant du processus animique qu’ est l’acte de création<<Il est inaccessible à la psychanalyse>>alors qu’en tant qu’écrivain et écrivain qui reçut le prestigieux prix Goethe il conseille <<Il faut lire mes études de cas comme des contes>>.
André Malraux dira effectivement avoir trouvé dans L’homme aux rats une rare intensité dramatique .
Il nous faut en guise d’explication faire appel à Marguerite Duras qui interrogée sur le pourquoi de son écriture répondait<<je me mets dans mes livres>>.

Le je mets le moi dans les livres il se désaliène des identifications moïques le moi par essence étant imaginaire et ce pour l’assomption de ce Je qui est un Autre.
On pense a la belle formulation de Victor Hugo<<Insensé qui croit que je ne suis pas toi>>.

Gérard de Nerval est tout d’abord logé par les amateurs de classification dans la catégorie des poétes romantiques
Son gout pour la solitude ,le rêve(qu’il définit dans Aurélia comme une seconde vie),son appétit de liberté concrétisé par ses voyages orientaux à l’ère des écrivains voyageurs :
Lamartine(Voyage en Orient),Chateaubriand(Itinéraire de Paris à Jérusalem),Stendhal(Histoire de la peinture en Italie),ses passions amoureuses (Jenny Colon, Marie Playel) son goût prononce pour les ruines et ses engagements politiques ont contribué à cette inclusion .

Mais d’autres critères : sa précarité, sa marginalité ,ses appétits toxiques, sa misère et sa mort précoce et douteuse ont fait plutôt penser à un poéte maudit (Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Poe).
Pourtant Nerval a une écriture ampoulée pleine d’emphase, écriture dialogique incluant les écrits d’autres auteurs (Dumas, Gauthier) qu’il commente, véritable discours sans l’autre comme un dialogisme interdiscurssif du non-un .
Cela semble rédibitoire d’une appartenance romantique dans un contexte pourtant fertile( Hugo, Flaubert Balzac, Stendhal, Baudelaire, Gauthier).
La malédiction ne semble pas non plus de rigueur :Nerval ne fait pas l’apologie de l’exclusion mais recherche une inclusion plus lucrative chez le grands initiés(francs-maçons, Druzes)
dont il emprumpte l’hermétisme sans que ces derniers ne le reconnaissent comme l’un des leurs mais au contraire soulignent la méconnaissance par Nerval de leurs symboles.

Le contexte existentiel de Gérard est le contexte le plus terne de l’histoire française à savoir cette période qui s’étale du premier au second empire : Restauration, Cent jours, seconde Restauration, Monarchie de juillet.
C’est une époque révolutionnaire et le passage de la restauration (Charles X) à la Monarchie de juillet se fit dans un bain de sang(Les Trois glorieuses).C’est aussi une époque d’épidémie :le choléra frappe pendant la Monarchie de juillet (15000morts).
Mais c’est surtout l’époque de l’installation de la bourgoisie avec sa morale étriquée qui vit la condamnation de Flaubert (Madame Bovary) et de Baudelaire(Les fleurs du mal)tandis que Guizot avait pour impératif catégorique << Enrichissez - vous >> et pour maître-mot<<Crédit>>.

Lamartine fera savoir à Louis-Philipe dans un célèbre pamphlet <<La France s’ennuie>>combien ce moment est peu grisant.

Comme nous avons intitulé ce texte « tragédie littéraire » disons quelques mots sur la tragédie pour la dichotomiser du destin que nous évoquerons en priorité.

-Le destin : est envisagé par la psychanalyse comme un opérateur pathologique qui aboutit à la névrose de destinée freudienne mais nôtre science veut faire taire le fatum pour lui substituer l’infans .
Le destin est ce temps qui nous a précédé et qui a décidé de nôtre avenir de façon inexorable sans que notre désir n’ait été consulté. C’est un concept qui veut que l’homme soit le jouet d’une fatalité , puissance supérieure qui règle les évènements de notre vie .
Il est incarné par la Möria fille de la nuit et du chaos qui se divisera en trois moires :Kloto (la fileuse), , Lachésis (la réparatrice) et Athropos (l’inflexible).Même les dieux sont soumis aux Moires donc au destin.
Dans le monothéisme biblique Dieu a un projet pour les hommes « Avant de te former dans le ventre de ta mère ,je te connaisais et avant que tu naisse je t’ai consacré » mais l’homme peut désobéir « Celui qui sème l’injustice moissonnera le malheur ».
Freud fait du destin une névrose et parle de personnes qui « donnent l’impression d’un destin qui les poursuit, d’une orientation démoniaque de notre existence qui serait façonnée pour le sujet »mais il remplace le «  pour » par le « par ».
Les dieux du destin ne sont plus exogènes, le combat n’est plus entre le sujet et les Moires mais entre l’inconscient et le sujet tandis que la répétition sera l’emblème de ce combat.
Pourtant Françoise Dolto conteste ce constat :le destin pour elle n’est pas l’inconscient, il est davantage, par exemple la conjonction entre le monde intérieur et les rencontres réalisées par le sujet tandis que Derrida adopte le destin et parle de « Destinerrance »

- La tragédie : Friedich Nietzsche nous servira de référent pour illustrer nôtre propos et ceci pour son abord musical de ce thème ,abord qui évoque la musique que souhaite Verlaine comme résultat de la poésie.
Nietzsche va dans un premier temps adorer Richard Wagner disant de lui : «  Eschyle est revenu » et avec lui la tragédie grecque qui constitue pour le philologue le fond de l’âme allemande .
Il va alors identifier la musique à Dionysos et la culture à Appolon (Le salé et le sucré).L’opération magique c’est le déplacement du son démoniaque a la forme symbolique, de l’hubris à la némésis.
La musique met en danger de mort et ce qui nous sauve de la musique, de l’envoutement par la musique c’est le chant des héros, leurs gestes et la mise en scène .
Dans le vocabulaire lacanien la musique c’est le réel(l’impossible) elle est du domaine du chaos univers de Dionysos dieu des ténèbres. Le monde d’Appolon celui des fantasmes (lumières avec lesquelles nous déchiffrons le réel)et cette lecture du réel,
pour Nietzsche n’est qu’une illusion qui se sait illusion et pour Nietzsche c’est cela le tragique .
Puis dans un second temps il se récuse :l’acteur n’est pas ivre, il joue avec l’ivresse, il n’est pas l’homme dionysiaque mais son singe, c’est un menteur inconscient du faux contrairement aux grecs qui jouent la tragédie mais en le sachant .
Pour lui Wagner est devenu .un histrion. La tragédie c’est donc le symbolique qui domestique la musique à condition de savoir que ce tragique est un faux- en- écriture.
Freud ne fit pas autrement en faisant de la tragédie de Sophocle son roman référentiel Œdipe tandis que le fantasme est un roman dans ce roman..Nerval nous donne une belle définition du tragique « Je vis une mort vivante  .

Sans parler de la biographie de Gérard de Nerval ,nous nous imposerons de nous référer aux épisodes maladifs qui l’emportèrent en glissant les épisodes existentiels qui peuvent les éclairer.
Mais tout d’abord penchons- nous sur les signifiants qui pesèrent sur sa tragédie :ces mots que Freud qualifie d’essentiels « pour le traitement de l’âme »et qui constituerons « l’acte magique ».

Le jeune Gérard de son vrai nom Labrunie est fils d’un médecin militaire auteur d’une thèse sur «Les plaisirs vénériens des femmes » et il impose à son épouse de le suivre à la guerre ou elle mourra à l’âge de 25ans lors des campagnes napoléoniennes en Silésie.
Gérard est alors placé en nourrice dans le Valois chez son grand-oncle Joseph Boucher après avoir été baptisé à l’église Saint- Mery connue pour être le lieu de rendez-vous des ribaudes mais surtout ornée du célèbre baphômet
(diable cornu, ni homme ni femme, aux ailes de chauve-souris avec un caducée sur le ventre) emblème des Sociétés maçonniques et des Templiers. Mortefontaine est à côté d’Hermenonville ou sur L’Ile des peupliers se trouve le tombeau vide de Jean-Jacques Rousseau (cendres au Panthéon par décret de la convention).
Un autre lieu affecte particulièrement Gérard-Saint- Germain- en -Laye ou réside son grand- oncle et il y admire l’ancien résident l’ancien résident du château Jacques II Stuart qui y est mort après avoir été chassé du trône d’Angleterre.
Gérard prend le nom de Nerval petit terrain de Morte fontaine ,Le clos Nerval (ce qui se traduit par « l’ombre du au dense feuillage des arbres ».
Nerval se prononce nerva(en latin nerf) mais évoque aussi l’empereur Nerva divinisé par Trajan.
Quand Nerval sera victime de crises psychiques il est accueilli à la clinique Maison Blanche qui autrefois était une folie(maison consacrée aux  divertissements 
et enfin il choisit pour se suicider la rue de La Vielle lanterne perpendiculaire à la place du Chatelet et autrefois nommée rue de l’Escorcherie puis rue de la Tuerie considérée comme la plus sinistre de Paris.

La maladie de Gérard se manifesta après des crises de moindre amplitude par la grande crise de 1841.En 1840 Gérard revient de Vienne ou il avait été nommé attaché culturel par le ministre de l’intérieur et faisait aussi fonction de chroniqueur pour le journal La Presse.
Le séjour doré dans la capitale autrichienne l’avait amené à cotoyer l’élite artistique musicienne (Litz) et littéraire (Goethe) et politique (Metternich).Goethe le félicite pour sa traduction de ses deux Faust.
C’est aussi là qu’il rencontre une pianiste virtuose :Marie Playel qui va devenir le deuxième grand amour de sa vie après Jenny Colon (cantatrice).
Pourtant le séjour est interrompu par un incident diplomatique (de facheux propos tenus en état d’ivresse dont on ne connait pas la teneur) et il est déclaré persona non gratta et doit rejoindre Paris, ce qu’il fait en passant par Bruxelles pour écouter Piquillo , opéra- comique d’Alexandre Dumas joué par Jenny Colon.
En 1841 Gérard va alors développer des états pathologiques graves.
Paul Chanard peintre et ami de Gérard le décrit « semant ses habits à droite et à gauche,se déshabiller après avoir fait par du désir d’aller en Orient »17tandis qu’Edmond Texier fait état de bris de glace dans une maison de Miromesnil .
Nerval est interné dans la maison de santé de Madame de Sainte-Colombe 6 rue de Picpus (ou Victor Hugo situe le couvent des Feuillantines dans Les Misérables).
Gérard dit être Joseph frère de Napoléon roi de Naples et d’Espagne et surnommé « El rey intruso », le roi intrus ».Il examine les pieds de son ami Alexandre Weil pour lire son avenir via la chiromancie .
C’est alors qu’arrive l’article assassin, article du « prince des critiques », ,Jules Janin qui écrit : « Depuis ce jour rien n’a reparu ni l’âme, ni l’esprit ,ni le corps pas une de ses charmantes qualités qui le faisaient tant aimer .
Il ne sait plus ni son nom ni celui de ses amis »
18A cet article Gérard répondra non sans humour : « Faites donc d’immenses remerciements à Janin pour l’exellent, le cordial , article qu’il a bien voulu consacrer à mes funérailles .
Je sens la supériorité de celui qui peut me placer si haut »
Hélas jusqu’à sa mort Nerval souffrira de cet écrit qui visait, après son internement

A peine sorti de Sainte-Colombe le poète est interné à Montmartre à la Clinique du docteur Blanche(Esprit Blanche dont la clinique sera déplacée a Passy et dirigée par son fils Emile Blanche à l’Hôtel de Lambasle).

Gérard doit être camisolé et des fers lui sont placés aux pieds.
Il alterne moments délirants et épisodes d’extrème lucidité,considère ces moments d’internements comme des incarcérations et écrit à six femmes (IdaDumas,Jenny Colon, Louise d’Orléans, George Sand, Hélène de Mecklembourg).
Ces écrits sont faits lors de moments de transe de l’aveu de Nerval lui-même : « Elles ont été faites au moment de mes hallucinations »
A la fin de 1841 Edouard Ourliac poète, romancier, nouvelliste, apporte la touche finale à l’assassinat tenté par Janin « Trop de nourriture, de liqueurs ,de café les femmes le désordre et par-dessus tout, ce qu’on assure la masturbation »

En ce moment de conservatisme absolu : éonisme(travestissement en femme)et masturbation ont de quoi ruiner toute réputation et c’est ce qui sera fait.
Gérard est pauvre vit des subventions de l’instruction publique et il marche sans arrêt(dromomanie).

Libéré Gérard voyage en Europe (Italie, Allemagne) et en Orient(Turquie, Egypte, Liban)et écrit :Les filles du feu ,Les illuminés, Lorely ,Voyage en Orient.
Ces écrits sont des compilations d’articles parus dans La Revue des deux mondes, Le Nationnal ,L’Artiste ,Le Temps ,Sartorius.

IL y a reprise mais pas créativité et en 1852 il écrit avec Merry L’imagier de Harlem pièce qui connait un total échec .Alors pointe le tourment. qui induit un nouvel internement mais à la Maison Dubois cette fois-ci.

A sa sortie il voyage à nouveau En Hollande, en Belgique revient puis jusqu’à sa mort les internements ne cessent plus :Maison Dubois, Charité, Maison Blanche.

Deux évènements vont précipiter le drame :l’article de Janin fait son hideux chemin et cette fois –ci ce n’est plus le rire aux lèvres que Nerval en fait état dans la préface de Lorely :
« Cet éloge traversa L’Europe et ma chère Allemagne jusqu’en Silésie ou’ reposent les cendres de ma mère ,jusqu’à cette Bérésina glacée ou mon père lutta contre la mort ».
Lorely
n’est pas fortuit en tant que thème il s’agit de la falaise du Rhin ou une sirène attirait par sa mélodie les marins contre les rochers.
L’autre malheur vient lui d’un ami, le photographe Nadar qui veut en faire un portrait pour le mieux faire connaitre mais ou Gérard ne se reconnait plus tant le temps et la fatigue ont ravagé ses traits.

Dés 1853 le poète vit dans un dénuement total. L’écriture de Sylvie provoque un état d’agitation qu’il appelle « fièvre » ce dont sa mère est décédée.
Il est admis chez Dubois et l’on parle de fièvre aliénative, d’exaltation nerveuse, de délire furieux.

Mais Janin persiste et signe « J’ai vu tout à l’heure le pauvre et charmant Gérard de Nerval il est fou absolument »
Gérard fera alors un dernier voyage en Allemagne qui s’apparente plus à une errance pathologique qu’a une découverte et écrit « Je marche encore dans les ténèbres...le mal est plus grand que vous ne le pensez . 
Nouvel internement chez Esprit Blanche puis hébergement chez sa tante dont le nom de jeune fille est, signifiant encore tragique, Lamaure.

Il marche sans cesse et sans but ne s’arrêtant que pour se reposer dans des bouges .Le 24 janvier1855 il écrit à sa tante «La nuit sera blanche ou noire »
Je pense que ceci est métaphorique d’un désaccord sur sa sortie entre lui(ou son père) Gérard Labrunie et Emile Blanche réservé sur cette permission(avis qui a fait l’objet d’une discussion lors d’une conférence donc à réserver).
Dans la nuit du 25 au26 janvier il erre dans Paris puis se dirige vers la rue de la Vieille Lanterne et se pend devant un garni ou’ il est écrit « On loge la nuit..Café à l’eau »..
On trouve son corps encore à l’agonie mais un décret stipulant que l’on ne peut intervenir qu’a l’arrivé du commissaire qui va tarder on le laisse mourir)
certains biographes pensent que Gérard a été assassiné pour avoir trahi des secrets maçonniques (son père était franc-maçon et Gérard a cotoyé des adeptes et pendant des moments d’ivresse ,comme en Autriche ,a pu trop parler)
Cette hypothèse, comme la précédente est à prendre avec beaucoup de précaution .
Le fait qu’un sergent de ville avoue « Il respirait encore on aurait pu le sauver en coupant tout de suite le cordon avant l’arrivée du commissaire »27a rendu plausible cette conception. 
Mais Gérard avait écrit longtemps avant ce qui nous parait être un suicide , « Tout est dans la fin » mais aussi « La mort ravive   l’amour mort » 
Par ailleurs on trouve dans ses poches le manuscrit non terminé d’Aurélia et une liste d’auto -reproches « Je ne suis pas digne» et de propos suicidaires « Tout est fini, tout est passé » pathognomoniques de la mélancolie psychotique (psychose maniaco-dépressive).
Le corps de Gérard de Nerval restera 5 jours sur les dalles de la morgue son père refusant de prendre en charge les frais d’inhumation ce qui sera fait par les gens de lettres.
Mais d’abord il fallut évoquer sa folie pour lui donner des funérailles chrétiennes et par la suite sa concession étant temporaire une exhumation eut lieu pour le porter au cimetière du Père Lachaise.

Gérard fut avant tout une victime familiale .Sa mère, il n’en connaitra rien, il n’en a ni image ni, document,. ni souvenir.
Il apprend que son père médecin militaire voulait que sa femme le suive de crainte que, livrée à la solitude elle ne devienne une catin (crainte issue de ses travaux de thèse sur la sexualité de femmes débauchées dont la continence excessive était pour ce praticien la cause de ces déviances).
Rien n’exigeait qu’elle le suive, elle avait le choix : suivre son époux était une concession ,en aucun cas une obligation et elle choisit donc en défaveur de son fils.
Gérard fût, un amateur de maisons closes et en ce qui concerne ses deux amours : Colon et Playel elles étaient réputées pour leur nymphomanie .
Gérard place sa mère à l’origine de sa folie : « Toujours à la même époque (mort maternelle) je me suis senti l’esprit frappé de désolation et de doeuil ».
Il déplore son choix « Les femmes françaises redoutent la guerre par cause de l’amour qu’elles ont pour leurs enfants »  mais il aime ce fantôme et il évoque la perte d’une lettre disparue avec ses bijoux dans la Bérésina comme « Le trésor caché de mon unique amour ».
Faut-il y voir l’origine de son inclinaison vers les lettres qu’il considérait comme des préoccupations secondaires et qu’il avouait « Vu le peu de succés de cette spécialité je me suis mis en tête d’aborder les diplomaties ».
Dans Aurelia alors que Nerval fait le bilan de ses relations intimes il avouait «Partout mourrait partout pleurait l’image de ma mère éternelle 3.
Les femmes en tant qu’objets d’amour i(a) ne font pas écran à la mère (a) et le mélancolique a le sentiment que l’objet perdu est celui qu’il désirait vraiment et il a « Le souvenir des joies perverses de ses dents de lait perdues »34.
Sa mère c’est le Souverain –bien (La Chose lacanienne, Das Ding) jamais et il comble le mélancolique qui lui, l’incarne.

Le père de Gérard voulait pour son fils une situation stable et lui fit faire deux ans d’études de médecine.
Quand ce dernier arréta il fit silence épistolairement, ne répondit pas aux missives de son fils refusa de s’occuper de sa santé et quand il apprit la mort de ce fils il dit laconiquement « Ha le jeune homme est mort .
Le pauvre garçon ,je le regrette fort,c’était un bon sujet. Pauvre jeune homme »
.
Il ilustre l’adage qui dit que le problème du névrosé c’est d’avoir un père celui du psychotique c’est qu’il n’en a pas et amène Nerval à se poser la question :comment moi fils d’homme et de femme suis-je réduit au statut artificiel d’Adam ?

Nôtre énoncé de départ à savoir que l’œuvre et l’auteur sont disjoints est délicat en ce qui concerne Nerval pour lequel la tentation de conjonction est de mise.
Mais l’auteur produit surtout des cas cliniques le concernant plus qu’un récit fictionnel .
Il déclare « Je suis l’autre « »

 

Contrairement à la lucidité rimbaldienne « Je est un autre » et il a donc franchi la distance entre image et réalité donc entre raison et folie .Quand il se risque au « Je » il est contraint de ligoter ses productions par des contenus ésotériques et culturels. Cela empêche l’apparition de la musique verlainienne. Les amoureux de poésie déploreront ce qui fut nécessaire à cet homme brûlé au Soleil Noir comme Van Gogh. Je vous livre pour réflexion ce que souhaitait Verlaine et ce que fit Nerval.

Verlaine :

« Il faut que tu n’ailles point

Choisir des mots sans quelque méprise`

Rien de plus cher que la chanson grise

Ou l’indécis au précis se joint »


Nerval :

« Je suis le ténébreux- le voeuf – l’inconsolé

Le prince d’Aquitaine à la Tour abolie

Ma seule étoile est morte-et mon luth constellé

Porte le soleil noir de la mélancolie.

 

Dans la nuit du tombeau Toi qui m’a consolé

Rend moi le Pausilippe et la mer d’Italie

La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé

Et la treuille ou le pampre à la rose s’allie

 

Suis-je Amour ou Phoébus ,Luzignan ou Biron ?

Mon front est rouge encor du baiser de la reine

J’ai rêvé dans la grotte ou nage la Sirène

 

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron

Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée

Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

 

Il faut pour comprendre ce texte savoir, que le Pausilippe était le lieu de villégiature des romains fortunés et signifie « Ce qui fait cesser le chagrin ».
Le prince d’Aquitaine renvoie au fait que les Labrurnie étaient des chevaliers périgourdains de l’empereur d’Allemagne Otton dépossédés par la Révolution .
Luzignan évoque la fée Mélusine ,fée à la queue de sepent,qui se baignait en ce lieu .Phébus est l’épithète donnée à Apollon et qui signifie « Le brillant ,le soleil ».
Biron est un duc qui trahit par deux fois Henri quatre et qui en fut décapité.L’Achéron est une branche du Styx ou Charon fait traverser les défunts .Orphée descend aux enfers pour récupérer Euridice.
Enfin :le déshérité fait écho au héros de Walter Scott :Ivanhoé Qui fut déshérité pour êre parti en croisade avec Richard Cœur De Lion.
Fort heureusement les maquisards de la deuxième guerre mondiale préférèrent Verlaine « Les sanglots longs des violon de l’automne … ».

Bernard Guiter

 

Docteur en psychologie

Qualifié,aux fonctions de Maitre de conférences

Habilité à diriger les recherches

 

 

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Intervenants

Interventions

 ACF-VD
Jean-Claude Affre
Dr Marie  Allione
Claude Allione
Bernard Baas
Dr Arielle Bourrely
Professeur Claude-Guy Bruère-Dawson
Lionel Buonomo
Pr Jean-Daniel Causse
Philosophe Jean-Louis Cianni
Jomy Cuadrado
Dr Marie-José Del Volgo
Guilhem  Dezeuze
Dr Jean-louis Doucet
Laurent Dumoulin
Dr Jean-Richard Freymann
Eva-Marie  Golder
Professeur Roland Gori
Jean-Paul Guillemoles
Bernard Guiter
Rhadija  Lamrani Tissot
Dr Patrick  Landman
Dr Michel Leca
Gérard Mallassagne
Dr Augustin  Ménard
Professeur Michel  Miaille
Dr François  Morel
Daniel Nigoul
René  Odde
Aloïse Philippe
Professeur Gérard  Pommier
Professeur Jean-Louis Pujol
Dr Jean Reboul
Dr Marie-Laure Roman
Franck Saintrapt
Professeur Bernard Salignon
Professeur Marie-Jean Sauret
Rajaa Stitou
Dr Bernard Vandermersch
Dr Marcel Ventura