Paroles singulières en Méditerranée

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PAROLES SINGULIÈRES EN MEDITERRANEE

12 octobre 2024 - Bernard GUITER - La mélancolie christique

La mélancolie christique

Le thème choisi « Croire » se prête pour le commenter à la pathologie mélancolique.Pour ce faire nous aborderons ce terme et ses appendices puis les éléments de la mélancolie nécessaires pour commenter ce qu’il en fût de la souffrance du Christ en croix.

La croyance est une catégorie de l’esprit au même titre que l’imagination, l’espérance etc. Cette catégorie est une conviction qui exclue le doute et qui a trait à un objet :le sacré, la science etc. Pourtant croire n’est pas à confondre avec cette croyance .Croire est à la fois un pari ,un défi, un acte. Celui qui croit formule une hypothèse : qui dit croire dit en même temps qu’il en est pas sur ( pari ). Si je dis : « je te crois » je sous -entend que je pourrai ne pas te croire mais que je prend le risque de de le faire en espérant que celui dont je me saisis par ma parole en sera digne (défi ). Ceci permet d’établir des projets communs engage les hommes entre-eux : celui à qui j’adresse le croire, je l’espère tiendra la valeur que Montaigne estimait comme primordiale : tenir sa parole (acte ) .La croyance , a contrario, est la conviction de détenir la vérité et débouche sur des abominations : intolérence , fanatisme, violence…nourrit tous les excès là ou croire ouvre un espace pour la pensée vivante et pour son déploiement. Toutefois quelques réserves sont à prendre en regard de cette dichotomie drastique . Le croyant Paul Ricoeur pense que « La finalité du religieux c’est la délivrance du fond de bonté de l’homme des liens qui le tiennent captif » . A condition de se référer aux textes sacrés et non à la théologie, de croire en la Parole. Benny Lévy présente , lui, le judaïsme comme la stricte observance de la Torah à savoir : étude et connaissance .

L’homme angoissé par sa finitude est avide de sens en ce qui concerne la nature (Qu’est- ce que c’est ? ) et le fonctionnement des choses (Comment ça marche ? ) et sa pensée fabrique des représentations qui si elles semblent coïncider avec la réalité s’organisent en croyances. Donc on le voit l’ homme croît en ce qu’il a lui-même construit. Sans le sens c’est l’angoisse du non-sens ,de l’absurde ,du chaos. Jean-Bernard Pontalis pense « qu’on imagine mal une culture de non-croyance absolue.Il n’y a que les morts qui ne croient en rien ».La croyance dit qu’il y a un ordre voulu et la violence s’impose pour le maintenir. La croyance peut porter sur :

-une personne :le père freudien qui guide, aime, pardonne, sait et peut et qui à ce titre fédère tous les membres de sa constellation. Il est le père sévère de Lacan à savoir non seulement celui qui fait acte de sévérité mais aussi de persévérance. Il est le prototype du chef du Prince de Machiavel qui lui fait croire que ce qu’il dit est le vrai,le certain ,le bien. Machiavel dira « gouverner c’est faire croire » .

-Dieu , sucesseur du père primitif tué et seul grand autre (A) seul.

La Boétie dans son Discours sur la servitude volontaire illustre l’incarnation du croire en un être qui certes possède de réelles qualités intrinsèques mais qui est élu par le peuple qui , lui, délaisse sa liberté et la confère au tyran. Ce peuple est engourdi par le ludisme : jeu, spectacle, et l’auteur qualifie ces dérives de « drogueries » .Cette rencontre du peuple et de l’état, le premier sacrifiant sa liberté au second qui le traitera comme « un taureau à dompter » et La Boétie nomme cette rencontre peuple- état : la «  Malencontre ». C’est ce que postule Nietzsche à propos du divin « L’homme crée le mot dont il devient esclave : Dieu »

Notons que l’opposé de la croyance c’est le doute (ce qui veut dire hésiter ) et que ce doute peut être :

- Fondateur dans le cheminement de la connaissance : c’est le doute méthodique de Descartes « Mise en doute de toutes les connaissances acquises ».

- Déboucher chez les Sceptiques :Montaigne, Descartes, Nietzsche, Wittgenstein sur le fait que la vérité n’existe pas et qu’en conséquence il faut suspendre le jugement : époché.

-Retrouvé en pathologie :c’est la privation ou la défaillance de la volonté que l’on nomme aboulie.

Nous en arrivons , maintenant à quelques conceptions utilitaires sur la mélancolie pour l’illustration que nous voulons en faire. Le mélancolique a une croyance : l’auto-dévalorisation mono- idéique qu’il exprime souvent sur le mode d’une proposition performative et il y a effacement de la dialectique qui fait que son discours parait stagnant, inerte, inaccessible. Il a la certitude qu’il n’est rien (il n’est qu’un déchet) et qu’il n’a rien (délire de négation d’organe de Cottard ). Dans l’itinéraire mélancolique il y a un avant et un après cette conviction insupportable. Avant était un dynamisme et une joie de vivre exceptionnel. Après c’est l’effondrement avec : apathie, inhibition, négativisme, aucun intérêt pour les choses de la vie, associés au syndrome de petitesse (Je ne suis rien, je n’ai rien). D’autre part pour le mélancolique il est trop tard « Les jeux sont faits, rien ne va plus » et il exhibe ses fautes aux yeux du monde car s’il y a un avant et un après il y a aussi un monde intérieur, le sien (l’univers morbide de la faute ) et le monde extérieur (jugeant et moralisateur ) . Le mélancolique évoque cet avant et cet après dans un discours neutre passant de l’avant à l’après sans explication ni émotion mais il proclame sa déception sous la forme de trahison ou de tromperie. Il y a donc une déception fondamentale et énigmatique qui ponte l’avant et l’après et qui est le terreau de la future mélancolie. Elle va générer une faillite implacable, des effets catastrophiques qui vont jusqu’à tarir le sentiment qui rattache à la vie. Le responsable de cette déception fondamentale c’est celui qui a manqué de parole et revêtu de ce fait les habits du traitre : le père. Pour mieux comprendre ceci prenons l’exemple qu’en donne Lacan : l’apôtre de la mélancolie que fut Soren Kierkegaard .Le père du philosophe et théologien était un fervent piétiste et Soren écrira « qu’il reçut une éducation stricte et austère qui fut à vues humaines une folie ».Cet homme est aussi un intellectuel qui accueillait chez lui des philosophes et autres intellectuels. Jeune homme ce


Père gardait des moutons dans le Jutland avant de devenir un commerçant nanti. Un jour d’ivresse cet homme avoue que lors qu’il était pauvre il avait maudit Dieu et proféré des blasphèmes. La faute du père hante le fils tel Hamlet qui s’écrie à propos de son père « qu’il était mort dans la fleur de ses péchés ». Voilà la tromperie fondamentale, la trahison, la déception à laquelle Lacan rajoute la honte d’avoir porté attention à un objet si décevant. Il est certes d’autres déceptions la toute première étant purement subjective à savoir de ne pas être a la hauteur de la toute - puissance de son image telle qu’elle est perçue par le regard admiratif de la mère. La perte d’un objet d’amour en est une autre qu’il s’agisse de départ ou de suicide. Ce que l’on aime en l’autre c’est soi et quand l’on perd cet autre l’on perd soi, l’on n’est plus rien. Ceci est à mettre en rapport avec le coup de foudre :l’on se reconnait dans l’autre et quand on le perd l’on se tue. Le coup de foudre préface souvent le coup de fusil. Par ailleurs la croyance du mélancolique dans le fait qu’il n’est rien suppose qu’il aurait pu être autre chose être tout mais il s’impose comme déchet et c’est ainsi qu’il s’adore tandis que les objets sont trompeurs. Sa mère n’a pu désirer ce père tourneur de veste et donc il ne peut s’identifier à l’objet du désir maternel : au phallus. Nous sommes dans le champ de la frustration qui ,dit Lacan « Porte sur quelque chose dont vous étez privé par quelqu’un dont vous pourriez attendre justement que vous le lui demandiez ». Mais comme il y a maintien d’une relation objectale sous une forme négative, nous ne sommes pas comme dans la maniaco- dépressivité dans le champ psychotique .

Nous voici maintenant arrivé à la mélancolie christique que nous évoquerons en faisant essentiellement appel à l’évangile de Matthieu le plus précis pour nôtre propos : la passion (qui à l’origine signifiait douleur et maintenant transport amoureux et donc est à mettre en rapport avec le coup de foudre et le coup de fusil précités) et la fin du Christ (l’oint)

Le contexte c’est la Paque lors de laquelle les Hébreux célèbrent le passage de la Mer Rouge qui les délivre de la tutelle égyptienne du pharaon Ramsès II .C’est la fête des azimes qui après Jésus(ce qui veut dire Dieu sauve, délivre) va devenir le passage de la vie à la mort. Plusieurs évènements vont alors se succéder :

1-L’onction de Béthanie : Jésus mange a Béthanie (village de l’amitié ) sur la route de Jérusalem chez Simon le Lépreux. Dans ce village Jésus a ressuscité Lazare son ami et il vient visiter ses autres amis : Marthe , Marie de Béthanie. Une femme oint Jésus avec un parfum Il rejoint apôtreesgaspillé . Jésus intervient « Si elle a répandu du parfum sur mon corps c’est pour m’ensevelir qu’elle l’a fait. »

2-La crise de Gethsémani (le pressoir à huile) au pied du jardin des oliviers . Jésus s’y retire avec Pierre, Jean et Jacques leur demandant de « veiller et prier ». Le Christ est envahi par une immense tristesse « Mon âme est triste à en mourir ». Puis il tombe la face contre terre et s’écrie « Père s’il est possible passe loin de moi ce calice (….) non pas comme je le veux mais comme tu le veux ».Il rejoint apôtres et disciples pour déclarer ; « Le fils de l’homme va être livré ».

3- Après Gethsémani : Jésus descend à Jérusalem ,va manger au cénacle (salle à manger) avec les 12 apôtres ,c’est la Cène lors de laquelle il institue l’Eucharistie métaphorisant par les oblats (pain et vin) son corps et son sang. Trahi par l’Iscariote Judas ,renié par trois fois par Pierre, il comparait devant Caïphe qui demande sa mort mais les juifs ne pouvant mettre a mort font appel à Ponce-Pilate qui malgré de nombreuses réserves et par crainte d’insurrection obéit à Caïphe et le condamne à la crucifixion. Cette mort est réservée aux étrangers et surtout aux brigands ( Barrabas fait l’objet du choix) et certains historiens pensent qu’il s’agit d’une seule et unique personne le Christ parlant de Dieu comme Abba ( père). Pourtant Jésus n’a trahi personne,  ni les juifs « Je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir » ni les romains « Rendez à César ce qui est à César ».

Les plaintes du Christ en croix sont au nombre de sept. Nous ne retiendrons que trois paroles concernant sa mélancolie :

Parole 4 :Eli ,Eli , lema sabachtani (Mon Dieu , Mon dieu ,pourquoi m’as-tu abandonné). Les romains se gaussent du Christ disant qu’il appelle les prophètes anciens et pourtant il est écrit « Eli » Dieu étant nommé « El » tandis-que le nom d’Elie s’écrit avec cet E .

Parole 5 : « J’ai soif .Pour nourriture il m’ont donné du poison. Dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre ».Ces paroles ne sont pas sans évoquer le Psaume 69

J’espérais de la compassion mais en vain

Des consolations ,je n’en ai pas trouvé

Pour nourriture il m’ont donné du poison

Dans ma soif ils m’ont donné du vinaigre.

Jésus récitait -il ce psaume ou le magma historique le concernant dit les paroles du Christ a postériori

 »  à cet ancien texte ?

Parole 7 « /Tout est achevé »

Il y a eu un avant puis cet après ou ce Dieu tourneur de veste laisse ce Christ, sans coup férir aux pires des tourments et Pilate lui avait demandé « Qu’est- ce que la vérité » Ce à quoi le Christ répond « La vérité ne consiste pas à la savoir mais a l’être » » Pourtant ,après trois ans d’une sublime parole Christ est mort .Lui qui avait donné sa vie à un père indifférent et qui disait à son père et a sa mère « Pourquoi me cherchez -vous ne savez -vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon père ». Christ est mort à l’âge de 37 ans vêtu d’un pagne , le périzanium avec pour titulus : INRI (roi des juifs ) cruxifié a 9 heures et décédé à15heures le 14 avril 30dans la plus grande des dérilections.

L’existence du Christ n’est avérée que par Flavius- Josèphe puis par Tacite mais comme homme de grande dignité pour lequel ils ont un respect révérentiel .Jésus ,lui est mort attesta.Il fallait que la croyance en une science théologique entraine les conciles de Nicée et de Calcédoine à théoriser la trinité du filioque ( Dieu a pour force l’esprit créateur :le Saint – Esprit qui engendre le fils ).

Lacan dira que le christianisme donne du sens pour assurer la vérité alors que la psychanalyse disjoint le savoir et la vérité d’où le triomphe des religions . Nous pensons être resté dans son chemin tout en pensant que la parole christique est porteuse d’avenir pour l’humanité quand elle n’est pas dénaturée parla théologie.

Bernard Guiter :docteur en psychologie, sociologie et histoire ,qualifié aux fonctions de maitre de conférences, habilité à diriger les recherches

 

 

 

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Intervenants

Interventions

 ACF-VD
Jean-Claude Affre
Dr Marie  Allione
Claude Allione
Bernard Baas
Dr Arielle Bourrely
Professeur Claude-Guy Bruère-Dawson
Lionel Buonomo
Pr Jean-Daniel Causse
Philosophe Jean-Louis Cianni
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Dr Jean-louis Doucet
Laurent Dumoulin
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