Jean-Louis DOUCET- 15/10/22 - ESRFP 2022-2023 : ARGUMENT DE L'ANNEE
ESRFP 2022-2023 : ARGUMENT DE L'ANNEE
"La perte du sens de la tragédie - Crépuscule du symbolique"
Jean-Louis DOUCET-CARRIERE
« L’œdipe pourtant ne saurait tenir indéfiniment l'affiche dans des formes de société où se perd de plus en plus le sens de la tragédie. » J Lacan (Écrits, p.813)
Le sens de la tragédie naît, à mon sens, de la rencontre de deux vérités inconciliables mais qui sont, comme deux forçats, rivées aux mêmes fers.
A notre époque où des idées comme le transsexualisme, le ''en même temps'', le choix du sexe, ont infiltré la doxa, n'est-ce pas cette disparition du sens de la tragédie - au sens où celle-ci est toujours déchirement, point de butée, rencontre inconciliable mais inévitable, entre Apollon et Dionysos selon Nietzsche - qui tend à faire de l’œdipe et de la loi symbolique articulée au langage qu'il introduit, une mythologie obsolète ?
Le parlêtre sort divisé de la rencontre avec le langage.
Parce que le symbole est le meurtre de la chose, le vivant humain est condamné à une errance éternelle entre deux jouissances, celle de l'avoir et celle de l'être.
Pourtant Lacan le souligne, je suis, certes, un parlêtre, mais j'ai un corps.
J'ai un corps mais je ne suis pas ce corps. C'est la dimension d'un corps-parole qui permet de donner, pour chaque Un, du sens à cette errance.
La réalité sexuelle qui est, selon Lacan, la réalité de l'inconscient est désormais questionnée par une doxa qui n'autorise aucune perte.
L'étymologie-même du mot sexe, renvoie pourtant à la coupure (sécutus), donc à une perte radicale, définitive, structurante.
L'individu contemporain serait à même de décider de tout par lui-même, sans la moindre limite, ce qui préfigure ce que Jean-Pierre Lebrun appelle un Immonde sans limite.
Sous cet angle de vue, la perte de sens qui caractérise notre monde contemporain, dont les témoins sont l'éviction du sacré, une méfiance définitive envers les politiques, une fascination angoissée par les progrès de la science, un naufrage dans le radicalisme quel qu'il soit, ne doit-elle pas nous amener à considérer que c'est dans cette perte du sens de la tragédie qu'elle trouve son origine ?